Voici comment cette controverse a été présentée par Séverine Lepape et Éléonore Fournié dans le dossier de presse préparatoire aux journées à l’Institut National d’Histoire de l’Art les 1er et 2 octobre 2009 à Paris:
Historique de la controverse sur l'Immaculée Conception
Vers le dossier de presse du colloque Vers le dossier de presse du colloque Vers l’iconographie de l’Immaculée Conception Vers l’iconographie de l’Immaculée Conception
« A l’époque médiévale, la croyance selon laquelle la Vierge, lors de sa conception par ses parents, Anne et Joachim, a échappé au péché originel se développe. Au IVe siècle, lors du concile de Nicée, l’Église admet que la Vierge, bien que mère, est restée vierge en enfantant le Christ. Puis à partir du XIIe siècle, en Angleterre d’abord puis dans toute l’Europe occidentale, certains théologiens vont plus loin, considérant que l’âme et le corps de la Vierge ont été préservés de la souillure originelle, qui se transmet lors de tout rapport sexuel depuis Adam et Eve, dès la conception de la mère du Seigneur. C’est un nouveau privilège pour Marie, un privilège très important, puisque hormis le Christ, aucun saint ou personnage biblique ne peut se prévaloir d’une telle exception. Cette croyance ne va pas de soi : aucune source scripturaire ne contient une telle idée, aucun Père de l’Église ne s’est exprimé en ce sens. Même les noms des parents de la Vierge sont pendant longtemps demeurés inconnus. Mais dès le IIe siècle de notre ère, des théologiens orientaux décident de combler en partie ce silence et rédigent des écrits sur l’Enfance du Christ et de la Vierge, que l’on appelle « évangiles apocryphes ». On y apprend que la Vierge est née de parents fort âgés, Anne et Joachim, qui désespéraient d’avoir un enfant. Ils finissent par en concevoir un avec l’aide de Dieu, et certaines versions de ces Évangiles parlent d’une conception hors norme, sans acte sexuel, issue d’un simple baiser à la Porte dorée. Ces écrits mettent du temps à parvenir en Occident : ils circulent secrètement, les clercs hésitant à faire des références explicites à ces textes dans leurs sermons, alors qu’ils en utilisent la matière. Le premier foyer de réflexion autour de cette croyance est l’Angleterre. Quelques bénédictins dynamiques, issus de grandes abbayes du sud du royaume comme Westminster ou Canterbury, instituent la fête de la conception de la Vierge, que l’on place neuf mois avant sa naissance, le 8 décembre. Plus qu’une élaboration dogmatique, l’immaculée conception est à l’origine et pendant une bonne partie du Moyen Age une fête que l’on célèbre et qui vient enrichir le corpus des autres fêtes mariales importantes, la naissance, l’annonciation, la visitation, la purification et la mort de la Vierge. Lorsque les chanoines de Lyon, décident pour la première fois de célébrer la conception de la Vierge, Bernard de Clairvaux (1091-1153), éminent théologien cistercien, s’élève avec force contre cette idée. De là, naît une crise qui secoue l’Église jusqu’à la fin du Moyen Age et au-delà. Les polémiques se cristallisent autour de deux questions majeures : comment accepter ce privilège marial qui n’est étayé par aucune source biblique, ni par aucun traité des premiers âges du Christianisme ? Et comment faire coïncider cette exception mariale et la Rédemption du Christ, qui s’adresse à tous ? Faire de la Vierge un être échappant à la souillure originelle, n’est-ce pas en faire l’équivalent de Jésus ? Théologiens et clercs se déchirent alors autour d’une des questions théologiques et sociales les plus intéressantes de l’histoire médiévale classique, tandis que la fête continue, bon gré, mal gré, à gagner du terrain. Les Dominicains, gardiens attentifs du dogme et de la tradition, restent les plus farouches opposants à cette croyance. Au concile de Trente, la question n’est pas tranchée, les théologiens décidant de jeter silence respectueux sur la question de la Vierge et du péché originel, abordée au moment où l’on traita de la question du péché originel. C’est que les Catholiques eux-mêmes n’étaient pas d’accord entre eux et auraient pu offrir aux Protestants une faille où s’engouffrer. Il faut finalement attendre le XIXe siècle, et plus précisément 1854 pour que le pape Pie IX proclame cette croyance dogme de l’Église. » Il y a lieu de rajouter que cette doctrine a été un point de fixation du conflit entre le pape Eugène IV et les Pères Conciliaires du Concile de Bâle: au-delà de la question de l’Immaculée Conception, se posait la question du pouvoir de représenter l’Église entre le Concile et le Papauté. Il faut également rappeler l’importance du pape, d’origine franciscaine, Sixte IV qui attribua des indulgences à qui priait devant une gravure évoquant l’Immaculée Conception et diffusa aussi un office consacré à l’Immaculée Conception. En 1483, par la Constitution « grave nimis », il interdit à chacune des parties de chercher à excommunier l’autre à propos de l’Immaculée Conception. Ceci n’empêcha la poursuite des querelles notamment entre les dominicains (Vincent Bandelli) et les Humanistes : La piété et la tradition face au scripturaire. Ensuite, selon la formule de Marc Venard, les XVIe et XVIIe siècles furent marqués par un blocage doctrinal et la floraison dévote.
Alors comment a-t-on représenté l’Immaculée Conception?
Sommaire Sommaire