Avant de parler de l’Immaculée Conception rappelons qu’il existe, dès le début du gothique, des multitudes de représentations de la Vierge Marie qui écrase le serpent conformément aux textes bibliques (même si dans Genèse 3.15, le conflit entre le serpent et la Femme est élargi à leurs descendances).
Iconographie de l'Immaculée Conception
Les textes du Colloque Les textes du Colloque L’Immaculée Conception sur les vitraux du Sud Champenois L’Immaculée Conception sur les vitraux du Sud Champenois Façade occidentale de la cathédrale Notre-Dame d'Amiens © Francine Legris Porte du Cloître de la cathédrale Notre-Dame de Paris © Francine Legris Église Saint-Jacques à Reims © Francine Legris Façade occidentale de la cathédrale Notre-Dame de Strasbourg
Nous formulerons deux remarques liminaires à propos de la figuration de l’Immaculée Conception: il est difficile de représenter quelque chose qui n’existe pas (à savoir le Péché originel) et les images peuvent figurer des récits mais non un dogme. Et, cependant, quiconque regarde une image peut « y » voir une figuration de l’Immaculée Conception bien que la conception du petit d’homme se passe, en général, à l’intérieur du corps maternel et donc à l’abri du regard. Les journées à l’INHA le 1er et 2 octobre 2009 nous ont aidé, ici aussi, à problématiser la question et l’on pourra lire les comptes-rendus en suivant le lien ci-dessos et même à visionner les débats en suivant cet autre lien.
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La première figuration de l’Immaculée Conception passe par la Rencontre à la Porte dorée : Anne et Joachim sont âgés et connaissent une vie aisée; mais leur union n’a pas été conclue par la naissance d’un enfant et des vitraux relatent comment leurs offrandes ont été refusées au temple parce que Dieu n’avait pas béni leur union par une descendance. A la suite de cette blessure, Joachim s’est enfui avec ses troupeaux et Anne est restée «veuve», sans nouvelle chez elle. Et voilà qu’un ange a annoncé à l’un et à l’autre soit qu’Anne était déjà enceinte des œuvres de Joachim soit qu’un enfant allait leur venir et l’ange leur enjoint d’aller se retrouver à la Porte dorée.
La scène est représentée dans une miniature du Speculum Humanae Salvationis mais aussi par Giotto dans sa fresque à la chapelle des Scrovegni à Padoue vers 1305.
Giotto (di Bondone): fresque de la chapelle des Scrovegni à Padoue vers 1305 Rencontre à la Porte dorée avec un ange: représentation exceptionnelle de 1441 de la Bibliothèque Vaticane
Pour faire court, selon les maculistes, la Jonction des Mains (Junctio Manuum) est le signe du mariage qui, pour être un sacrement, doit être consommé et le rapport sexuel, et la concupiscence qui lui est attachée, introduit le péché originel. Marie aurait été sanctifiée ultérieurement, soit in utero, soit lors de l’Annonciation. Mais les immaculistes soit considèrent que Marie a été conçue à un temps antérieur au péché originel, soit que la conception se fait par le souffle d’un baiser fécondant. Le tableau plus tardif de Matteo da Gualdo, Rencontre à la Porte Dorée, de 1495 à la Pinacothèque municipale de Nocera Umbra montre ce baiser qui fait advenir la Vierge dans le ciel.
La lecture des images de la Rencontre à la Porte dorée n’est pas univoque comme le montre le tableau du Louvre (peint vers 1500) de Nicolas Dipre pour la Confrérie de la Conception de la Vierge à la Cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras.
Matteo da Gualdo: Rencontre à la Porte Dorée (1495) à la Pinacothèque municipale de Nocera Umbra Nicolas Dipre: La Rencontre à la Porte dorée pour la cathédrale Saint-Siffrein de Carpentras  vers 1500 (Louvre)
Les autres figurations de l‘Immaculée Conception ne sont compréhensibles dans ce sens que grâce à des textes, soit en en phylactère, soit en tituli soit, enfin, parce qu’ils sont la « signature » ou « l’emblème » d’argumentaires, d’hymnes ou de prières en faveur de l’Immaculée Conception. Le plus connu, sinon le premier, est le tableau de Carlo Crivelli de la National Gallery à Londres vers 1490 où le phylactère indique que la conception a été faite dès le début « ab initio ».
Carlo Crivelli: L'Immaculée Conception  (National Gallery à Londres) vers 1490
Mais la représentation la plus fréquente est celle de la « mulier amicta sole », la femme vêtue de soleil de l’Apocalypse (XII 1-7). Il a fallu un certain temps pour que les théologiens acceptent de reconnaître Marie dans cette femme enceinte poursuivie par un dragon et pourvue d’ailes par un ange pour pouvoir fuir dans le désert: l’Apocalypse parle des douleurs de l’enfantement alors que les Évangiles parlent d’une naissance sans douleur de Marie pour le Christ. Elle est représentée ici dans l’église Saint-Martin de Grandville dans l’Aube (baie 5)
Église Saint-Martin de Grandville: La femme vêtue de lumière de la baie 5
Quoiqu’il en soit, on a reconnu dans cette Vierge (avec ou sans l’Enfant), debout sur un croissant de lune, nimbée de soleil et avec douze étoiles autour de la tête l’Immaculée Conception: la vision de cette image accompagnée de prières conduisait à une indulgence plénière selon Sixte IV et cette image accompagnait les écrits des humanistes immaculistes comme Jacques Wimpheling ou Sébastien Brant.
L'Immaculée Conception de Sixte IV La miniature qui accompagne les écrits de Sébastien Brant La miniature qui accompagne les écrits de jacques Wimpheling
Grâce à Maurice Vloberg, nous avons trouvé deux représenations de l’Immaculée Conception » issues des Chants royaux du Puy de Palinods de Rouen (le texte confirme si besoin l’Immaculée Conception) datées de 1518 à 1526 qui écrasent le serpent (pour celle en noir et blanc) et la mort et le serpent pour celle en couleur. Elles sont issues de manuscrits numérisés à la Bibliothèque nationale de France
Chants royaux du Puy de Palinods de Rouen Chants royaux du Puy de Palinods de Rouen
Plaus tard, au XVIIème siècle, Bartolomé Murillo et Francisco Zurbaran ont réalisé des tableaux célèbres à ce sujet et encore bien d’autres comme, en Italie, Guido Reni.
Bartolomé Murillo au Musée du Prado Francisco Zurbaran Guido Reni (1625) au Metropolitan Museum de New-York
Une phrase tirée du Cantique des Cantiques dite par Salomon à Sulamite qui commence en latin par « Tota pulchra es amica mea et macula non est in te», ce qui se traduit en français par « Tu es toute belle, mon amie, et en toi il n’y a point de défaut » est devenue une prière dédiée à la Vierge Marie « Tu es toute belle, Marie, et la faute originelle n'est point en toi » et a servi aussi à la figuration de l’Immaculée Conception: cette prière fut mise en musique notamment par André Campra ou par Anton Bruckner. Bien sûr, l’image située à côté de la prière oriente vers son sens. Ici, un tableau de Joan Sarinyena aux environs de 1600 du Museu de Belles Arts de València avec la mention « Pulchra » Je rajoute, pour le plaisir des yeux, une miniature extraite de la bible d’Étienne Harding (1060 – 1134), conservée à la Bibliothèque municipale de Dijon qui n’est, en aucune façon, immaculiste.
Joan Sarinyena: Pulchra (Museu de Belles Arts de València) La Vierge Marie comme Sulamite du cantique des Cantiques
Le tableau de Joan Sarinyena pourrait aussi servir d’illustration à une autre figuration « Les Litanies de la Vierge ». En fait, on retrouve, à la fois, sous ce vocable des vierges du Rosaire (dominicaines qui ne peuvent pas être « Immaculée Conception » mais des hommages à la virginité) et, au cours et à la fin du XVIème siècle, d’authentiques « Immaculée Conception » ce sur quoi nous reviendrons.
Enfin, deux autres représentations possibles de l’Immaculée Conception sont la vierge dans le l’utérus d’Anne et l’Arbre de Jessé. Là aussi le contexte indique le sens de l’image. Les arbres de Jessé sont innombrables sur les vitraux du sud champenois : Émile Mâle considère que lorsque la vierge y prend l’aspect de la « mulier amicta sole » elle fait référence à l’Immaculée Conception; ici on la voit, sur la baie 1 de l’église Saint-Martin de Rigny-le-Ferron dans l’Aube
L'arbre de Jessé sur la baie 1 de l’église Saint-Martin de Rigny-le-Ferron dans l’Aube
La vierge in utero se retrouve sur des miniatures médiévales comme des livres d’heures (dont j’ai perdu la localisation).
La Vierge Marie dans le ventre de sainte Anne La Vierge Marie dans le ventre de sainte Anne
Enfin, les «Immaculée Conception rédemptrices»: ce sont des « Marie – Nouvelle Ève » selon Marianne Lora. Dans un tableau de 1518, Guillaume de Marcillat (d’origine française, peintre et maître-verrier) représente «La Dispute en présence d’Ève » où des saints et des Pères de l’Église disputent (opposent leurs arguments) à propos de l’Immaculée Conception devant une scène de la Tentation.
En 1521, Luca Signorelli réalise un retable pour l’Immaculée Conception destinée à l’église de Cortone où le lien entre la Vierge rédemptrice et la Faute est évident.
Guillaume de Marcillat: La Dispute des pères d'église sur l'immaculée conception  en 1528 (Musée Bode à Berlin) Luca Signorelli (1521)
Pour clore cette présentation qui n’éclaire guère le sujet, j’indiquerai que Jean Wirth estime que les représentations où l’Enfant Jésus est absent orienteraient plutôt vers une « Immaculée Conception » même si les exemples ci- dessus montrent aussi que l’Enfant Jésus peut y être présent.
Pour revenir cers notre sujet, nous allons rechercher les «Immaculée Conception» sur les vitraux du Sud Champenois
Un autre arbre de Jessé dans le livre d'heures de Louis de Savoie où Marie est l'Épouse du Saint-Esprit (BNF 1145-1460) Sommaire Sommaire